Une belle nuit pluvieuse et sans lune de Kislim, d'une année pour le moins inconnue, un petit être aux oreilles pointues et à la peau pâle naquit. Ses parents l'observèrent, à moitié émerveillés. Eux qui avaient la peau noire charbon et la peau blanche neige, ainsi qu'un fils leur ressemblant comme deux gouttes d'eau, étaient heureux. Le changement avait du bien? Et qui avait dit que les elfes noirs n'éprouvaient pas, ne ressentaient pas le bonheur ? Le prénom vint de lui-même dans la bouche de ses parents. Angel. Mais la jeune elfe montra par la suite qu'elle était tout sauf un ange. Et tout ceux qui pensaient le contraire le regrettaient bien rapidement. De plus, ses parents et son frère lui passaient chacun de ses caprices et ses crises de colère, à l'époque assez fréquentes, faisaient juste sourire sa famille. Dès que quelqu'un venait se plaindre d'elle, il ne pouvait se heurter qu'à la froideur – ou plutôt l'indifférence – et l'incompréhension de ces adultes, persuadés de la bonne foi, et donc de l'innocence, de leur petite fille chérie. Par conséquent, mise à part quelques incidents mineurs, la future mage vécut ce que l'on pourrait appeler une enfance « heureuse », entourée de l'amour de ses proches.

Pourtant, ce qui devait arriver arriva. Leurs voisins – bien qu'ils soient à plus de cinq cents mètres d'eux – en eurent, au bout d'un certain temps, marre. Même si Angel avait grandi et ses caprices diminué, contrairement à ses crises de colère qui ne faisaient que gagner en intensité. Alors qu'elle devait être âgée d'une petite centaine d'années. Ou peut-être moins. Je ne sais plus, pardonnez-moi. Enfin bref. Je disais donc. Un groupe d'environ deux cents personnes, armées jusqu'aux dents pour certains, et leur magie enclenchée pour les mages, arriva non loin de la petite maison. L'elfe les observa depuis l'une des fenêtres. Derrière elle, ses parents et son frère se préparaient à l'affrontement. Et à mourir, même s'ils ne le savaient pas encore. Rapidement, ils lui demandèrent de s'enfuir par la forêt, qu'elle connaissait comme sa poche suite à toutes ses années passées à jouer à cache-cache avec son frère. Au début, la jeune fille ne voulut pas. Mais sa famille l'y obligea, à coups d'arguments, puis en utilisant la force pour lui faire entendre raison. L'elfe finit donc par s'enfuir en courant. L'ombre des arbres la masqua presque de suite, mais ce n'est pas pour autant qu'elle s'arrêta de courir. Un hurlement et une odeur de brûlé lui parvinrent. Elle accéléra et jeta un coup d'oeil derrière elle. A cet instant, son pied se prit une racine. Elle chuta et se fracassa l'arrière du crâne contre une pierre. Son sang commença à s'écouler, doucement, mais forma au bout de dix minutes une petite mare de ce liquide d'eau.



Angel ouvrit les yeux et cligna plusieurs fois les paupières pour tenter – désespérément – de rétablir sa vision. Sans réel succès hélas ! Mais quelques minutes plus tard, le décor de la pièce où elle se trouvait se stabilisa et se précisa. La jeune fille ne parvint alors par à reconnaître son environnement. Les odeurs, comme les sons et bruits, agressèrent ses sens déjà fort fragilisés par les évènements passés, qui restaient un mystère. L'elfe paniqua légèrement. Comment était-elle arrivée ici ? Que s'était-il passé ? Pourquoi ne se souvenait-elle pas ? Et surtout, qui était-elle ? Elle ne se rappelait même pas sa propre identité ! Qu'allait-elle bien pouvoir devenir dans de telles conditions ? Le grincement d'une porte la coupa dans ses pensées et la silhouette d'un homme apparut dans le cadran. Celui-ci était vêtu de noir de la tête aux pieds, encore pire que notre jeune elfe noire. Il s'approcha, silencieusement, sans desserrer ses lèvres et plantant ses petits yeux enfoncés remplis de haine et de mépris dans les siens. Sur le coup, elle ne comprit pas mais ne chercha pas non plus, son cerveau trop embué de questions sans réponse. L'inconnu lui tendit un verre d'eau claire et pure, qui étonna au plus haut point la future mage. Elle se redresse alors sur le lit moelleux dont les draps étaient couleur nuit et prit avec hésitation le verre. Ses mains tremblaient. Mais elle parvint tout de même à boire à petites gorgées. Ses muscles se détendirent et Angel ouvrit la bouche pour poser toutes les questions se bousculant dans sa tête mais l'homme fut plus rapide. Il lui rendit une gourmette en argent et un bracelet fin en or.

-Alors Angel. J'imagine que tu as des tas de questions à poser mais je te donnerai qu'une seule réponse. Celle-ci : Je t'ai trouvée dans une forêt, à moitié morte.

Il se déplaça et alla ouvrir une fenêtre. La jeune femme le suivit des yeux, mue par une sorte de frayeur qui lui tordait les entrailles. Il se pencha légèrement, inspira un bon coup avant de reprendre la parole tout en restant dos à Angel, qui était plus qu'intriguée mais avait aussi une certaine de le tuer.

-D'ailleurs. Je t'ai sauvée juste car j'ai remarqué en toi un potentiel qui ne demande qu'à être exploité. Donc, à partir d'aujourd'hui, je t'entraînerai et tu feras tout ce que je te demande.

L'elfe se contenta de hocher la tête. Elle ne pouvait pas refuser. Où serait-elle allée ? Elle n'avait nulle part et rien. Même pas ses propres souvenirs.

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La jeune femme commença alors à apprendre. Elle apprit ce qu'elle était, une mage noire vu la spécialisation qu'elle avait choisi – et une certaine aversion envers les mages « blancs » qui venaient d'elle-ne-savait-où –, mais ne parvint jamais à retrouver ne serait-ce qu'un millionième de sa mémoire. Mise à part ce hurlement mêlant douleur et frayeur et cette odeur de chair brûlé. Au bout d'un certain nombre d'années, elle fut son point. Et son « maître » décéda peu de temps après, laissant libre l'Elfe. Plus jamais elle n'accepterait l'autorité, quelle que soit sa forme. Elle enterra l'homme sans une larme, sans aucune tristesse. La mage brûla la maison après avoir pris ses quelques affaires puis s'en alla, sans un regard en arrière. Ces dernières années, elle sillonna le monde de toute part, mettant ses pouvoirs au profit des « Méchants » desquels elle se sentait le plus proche. Et traquant son passé, dont il ne lui restait plus rien, mise à part son prénom et ses deux bracelets ….

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